La nouvelle approche

La nouvelle approche : petite histoire

Le 25 mars 1957, six pays européens se réunissent à Rome pour signer le Traité instituant la Communauté économique européenne – l’ancêtre de l’Union européenne. Ils se fixent comme objectif l’établissement d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens » et la mise en place progressive d’un marché intérieur où les biens, les services, les capitaux et les travailleurs circulent librement. La toute nouvelle Commission européenne se chargera d’élaborer les Règlements et les Directives fixant les règles communes permettant cette libre circulation.

Vingt-cinq ans plus tard, au début des années 1980, le système a besoin d’un nouveau souffle. La Commission européenne le constate dans une communication du 31 janvier 1985 : en dépit de la cinquantaine de directives déjà adoptées, l’élimination des entraves techniques aux échanges se fait beaucoup trop lentement : les Etats membres conservent un grand nombre de règles et de normes divergentes et, dans de nombreux secteurs, les technologies évoluent trop rapidement pour que la règlementation européenne puisse espérer garder le rythme. « A l’origine de la plupart de ces difficultés, écrit la Commission, il faut trop probablement rechercher une mauvaise répartition entre les rôles respectifs des pouvoirs publics d’une part et des organismes de normalisation de l’autre, les uns s’arrogeant trop souvent des compétences en matière de définition détaillée de spécifications techniques des produits qui appartiennent plus naturellement aux autres ».

La Commission européenne propose donc une Nouvelle Approche, qui sera approuvée en mai 1985 par les Etats membres. Cette approche s’appuie sur une meilleure complémentarité des rôles entre les pouvoirs publics, qui fixent des exigences essentielles pour la mise sur le marché des produits, et les organismes de normalisation, qui proposent des moyens pour atteindre ces objectifs.

Aujourd’hui, une trentaine de directives et de règlements européens suivent le principe de la Nouvelle Approche afin d’harmoniser les règles techniques encadrant la mise sur le marché des produits et permettant ainsi leur libre circulation entre tous les Etats membres de l’UE. Qu’en est-il des services ? Bien que leur libre circulation soit également un objectif fixé par les Traités européens, les règles qui encadrent la libre circulation des services sont toujours politiquement plus sensibles ; la Nouvelle Approche n’a donc jusqu’ici jamais été étendue au secteur des services. S’il existe bien des normes européennes couvrant la prestation de certains services, ce ne sont pas des normes dites « harmonisées » adoptées suite à une demande de la Commission européenne et visant à donner présomption de conformité à une règlementation.

Les normes européennes

Les normes volontaires venant en appui à des règlementations de type « Nouvelle Approche » sont adoptées par les organisations européennes de normalisation : l’ETSI pour le secteur des télécommunications, le CENELEC pour les électrotechnologies et le CEN pour tous les autres domaines. Au CEN et au CENELEC, les normes qui viennent en appui à une règlementation Nouvelle Approche représentent environ 15% des documents publiés.

Les normes en appui à la règlementation Nouvelle Approche sont soit des documents élaborés au niveau européen (« EN… »), soit des reprises à l’identiques de normes élaborées dans une organisation internationale de normalisation (ISO ou IEC) : elles portent alors le préfixe « EN ISO… » ou « EN IEC… »  Les 34 Membres du CEN et du CENELEC ont pour obligation de reprendre toutes les normes européennes dans leur collection nationale, et de supprimer les normes nationales contradictoires. C’est pourquoi, en France, le statut de norme française est donné à toutes les normes européennes.

Une norme européenne n’existe que parce qu’elle est reprise : un utilisateur n’utilise pas une norme « EN xxx », mais sa transposition nationale « NF EN… » pour la France, « DIN EN… » pour l’Allemagne, « UNE EN… » pour l’Espagne, en ayant la certitude qu’elles sont identiques. Ce système permet un niveau d’harmonisation unique au monde, très supérieur à celui constaté dans des Etats unitaires comme la Chine ou fédéraux comme les Etats-Unis.

Le fonctionnement de la Nouvelle Approche : articulation entre normes et règlementation

La Nouvelle Approche repose sur une articulation étroite entre réglementation et normalisation, chacune remplissant un rôle précis :

  • La réglementation de type Nouvelle Approche, qui peut prendre la forme de Directives ou de Règlements européens, fixe des « exigences essentielles» : il s’agit d’objectifs à atteindre pour assurer la sécurité et la santé des personnes ou la protection de l’environnement pour les produits mis sur le marché européen. Elle fixe donc des obligations de résultats.
  • Les normes européennes dites « harmonisées », c’est-à-dire venant en soutien à la réglementation Nouvelle Approche, décrivent quant à elles des solutions permettant d’atteindre les objectifs fixés.

L’élaboration d’une norme en soutien à la réglementation Nouvelle Approche se fait sur demande officielle de la Commission européenne auprès de l’organisation européenne de normalisation compétente (les « demandes de normalisation », auparavant appelés « mandats »).

Une fois la norme publiée par cette organisation, qu’il s’agisse du CEN, du CENELEC et de l’ETSI, elle est soumise à la Commission européenne, qui prend la décision de citer la référence de la norme au Journal Officiel de l’Union européenne : les produits conçus selon les prescriptions de cette norme seront alors présumés être en conformité avec les exigences essentielles fixées par la règlementation. Cette présomption de conformité est valable tant que le produit reste techniquement inchangé (conception, matériaux constitutifs, origine des éléments constitutifs, procédés de fabrication, etc.)

Même une fois qu’elles sont citées et donnent présomption de conformité, les normes harmonisées restent des normes volontaires. Le fabricant peut choisir d’atteindre les objectifs fixés par la réglementation par d’autres moyens que ceux qu’elles décrivent. S’il fait ce choix, ou s’il n’existe pas encore de normes applicables, il lui revient la charge de la preuve de la conformité de ses produits avec les exigences essentielles de la réglementation. Les normes représentent donc pour les entreprises un moyen simple et privilégié de s’assurer de la conformité des produits qu’elles mettent sur le marché.

L’articulation étroite entre normalisation et réglementation établie par la Nouvelle Approche a été récemment mise en lumière par un arrêt rendu en octobre 2016 par la Cour de Justice de l’UE : la Cour a jugé que les normes venant en soutien à la réglementation européenne et citées au Journal Officiel de l’UE font partie du droit de l’Union européenne. Les juges de l’UE ne contestent pas le caractère volontaire des normes mais se déclarent compétents pour les interpréter, par exemple en cas de litige sur un contrat où elles seraient citées. Le rôle joué par les normes harmonisées volontaires dans le bon fonctionnement du marché unique de l’UE est ainsi confirmé par la jurisprudence.

Evaluation de la conformité et marquage CE

Parallèlement à la mise en place de la Nouvelle Approche, les institutions européennes ont également adopté un cadre harmonisant les procédures d’évaluation de la conformité des produits à la réglementation autorisant leur mise sur le marché. L’ensemble de ces règles a été réformé en 2008 pour constituer ce que l’on appelle le « nouveau cadre législatif » (ou NLF – New Legislative Framework) : il met en place une politique européenne en matière d’accréditation pour évaluer la compétence des laboratoires d’essais et organismes de certification et d’inspection, renforçant la politique des Etats membres de l’UE en matière de surveillance du marché et de contrôle des produits en provenance des pays tiers.

Le marquage CE est un élément central de ce système. Apposé par le fabricant ou son mandataire, il ne concerne que les produits couverts par une législation d’harmonisation qui prévoit son apposition.  Le marquage CE indique que ce produit est déclaré par le fabricant comme étant conforme à la législation d’harmonisation de l’Union qui lui est applicable. Le fabricant doit donc au préalable s’assurer que le produit est effectivement conforme… par exemple en s’appuyant sur une norme citée au Journal officiel de l’UE et donnant ainsi présomption de conformité.

Références

Documents historiques

Réglementation

Pour en savoir plus